« Profitable à tous, MedVallée stimule l’écosystème de la Santé Globale »
Anne Ferrer, la directrice générale du CHU de Montpellier, salue la dynamique MedVallée qui favorise la mise en réseau de tous les acteurs de la Santé Globale, stimule les collaborations et les réponses collectives pour déployer des projets au service de ses équipes et des patients. « Cette fluidité est précieuse, atypique et profitable pour tous », dit-elle.
Entretien
L’innovation est au cœur de toutes vos missions de soin. Comment la traduisez-vous au CHU de Montpellier ?
« Nous avons trois missions : l’enseignement, le soin et la recherche. L’innovation est au cœur des trois. Elle est notre ADN. Le CHU de Montpellier s’inscrit toujours dans une logique de progrès : mieux former, mieux soigner et être plus performant en recherche. C’est consubstantiel de notre fonctionnement. Mais, l’innovation que nous impulsons est également organisationnelle. Notre hôpital est un vaisseau de 12088 professionnels. Sa taille est un défi. Il faut que les parcours, les missions et les modes d’exercice soient fluides et sans rupture. Pour pouvoir intégrer ou développer des technologies de pointe, notre fonctionnement doit être toujours plus efficient. Voilà pourquoi nous faisons en sorte d’intégrer les innovations qui amènent du progrès. Un CHU doit toujours regarder droit devant. Ce que nous faisons, et cette volonté porte ses fruits. Grâce à la dynamique de recherche de nos équipes médicales, nous sommes au 3e rang national pour l’inclusion dans les protocoles de recherche clinique, au 6e rang national pour les publications, au 5e pour les réponses aux appels à projet et, j’ajoute, au 3e rang pour les projets européens.
Votre CHU a créé un Extracteur d’innovation qui n’a pas d’équivalent ailleurs. Qu’amène-t-il ?
A.-F. : C’est une pépite. Il a pour ambition d’acculturer nos professionnels et de les amener à « l’intrapreneuriat ». Quand ils ont une idée qui répond à un besoin inassouvi ou à une amélioration, tous les professionnels du CHU peuvent se tourner vers l’Extracteur d’innovation. Il est ouvert à tout le monde, de l’infirmier au médecin en passant par les techniciens, et même aux personnels des hôpitaux publics de la région Occitanie. Notre extracteur d’innovation est soutenu par la Métropole de Montpellier et la Région Occitanie. Il travaille avec l’ensemble de l’écosystème de l’innovation et du financement. L’Extracteur d’innovation s’inscrit dans la dynamique favorable de MedVallée, qui nous fait clairement bénéficier d’un coefficient multiplicateur.
Dans la même logique, nous avons créé le CRIBS, le Centre de Recherche et Innovation en Biologie Santé, qui est aujourd’hui L’ÉTAGE avec un plateau de 1200m², aidé financièrement, là encore, par la Métropole de Montpellier, la Région Occitanie, mais également par l’État et l’Université de Montpellier. Le CRIBS répond à la volonté de mettre en place un système poreux, dans une logique de conformité règlementaire, mais de facilitation du quotidien, qui permet aux startups accueillies d’accéder à toutes les ressources et à tous les équipements, dont le CHU de Montpellier dispose. Les collaborations sont ainsi facilitées et accélérées.
Vous disposez également d’un cluster de calcul qui est le fruit d’une collaboration née au sein de l’écosystème MedVallée, non ?
A.-F. : Grâce à Dell Technologies à Montpellier, nous bénéficions en effet d’un cluster de 8 GPU H100, installé sur notre site et qui est le plus puissant de France en environnement d’hébergement de données de santé et qui nous a permis d’initier nombre de nos cas d’usage en intelligence artificielle, dans un cadre de conformité réglementaire totale.
Un partenariat en appelant un autre, grâce à Dell Technologies, nous avons noué un partenariat avec la société montpelliéraine Seclab, qui nous permet de sécuriser le Site Unique de Biologie (SUB) où se trouve le CRIBS. Il n’y a qu’au cœur de MedVallée que nous trouvons un tel écosystème aussi complet et diversifié, où notre proximité nous conduit à capitaliser sur les forces de chacun pour développer de projets conjoints.
L’amélioration de l’expérience Patient est un objectif majeur pour le CHU de Montpellier. Comment la mettez-vous en œuvre ?
A.-F. : L’écoute de nos patients et une évaluation continue de notre fonctionnement, de nos pratiques, font grandir l’hôpital. Nous sommes tournés vers la satisfaction des patients qui nous accordent leur confiance. Comment savoir si nous sommes dans le juste si nous n’intégrons pas l’avis des patients, les propositions des patients partenaires ? Un représentant des usagers est donc présent dans notre directoire composé de 11 membres et des représentants des usagers interviennent également au quotidien au sein du CHU où ils sont intégrés dans toutes les dynamiques où leur regard est précieux. Nous avons aussi des patients experts de leur pathologie, qui constituent un maillon utile pour accompagner les nouveaux patients moins experts qu’eux, car au début de leur maladie. La Haute Autorité de Santé sera enfin dans nos murs au 1e trimestre 2026 pour évaluer l’ensemble du CHU.
Revenons sur l’IA. Le CHU est cofondateur d’IA Montpellier Méditerranée, qui fédère acteurs publics, universités et entreprises pour développer des projets IA intégrés au territoire. Comment rend-il l’hôpital plus efficace et plus efficient ?
A.-F. : L’IA est pleine de promesse, à la condition d’être maîtrisée par ceux qui l’utilisent. Notre volonté, aujourd’hui, est d’hybrider l’ensemble de nos missions (enseignement, soin, recherche) et notre management par l’IA, en l’introduisant partout où elle sera utile pour les professionnels de santé et pour les patients. Cette approche demande de prioriser les cas d’usage sur lesquels il y a un intérêt réel, comme une soutenabilité financière et admissibilité sociale démontrées. Nous avons décidé de bâtir notre stratégie sur la transparence et la co-construction, notamment en développant un dialogue social propre à l’IA, identique à celui que nous avons avec nos organisations syndicales sur les autres thématiques majeures de l’établissement. Le Chu de Montpellier ne change pas pour changer, mais pour faire mieux.
À titre d’exemple, nous demandons aux patients de remplir un questionnaire de sortie pour nous appuyer sur leur évaluation de leur séjour hospitalier et capitaliser leurs commentaires positifs ou négatifs. S’il est simple d’analyse des cases cochées, nous souhaitions pouvoir utiliser les propos libres des patients pour enrichir notre analyse. Les réponses se comptent par milliers (*). Pour les traiter, nous avons développé une IA que nous avons entraînée, afin qu’elle synthétise et exploite mieux les retours libres des patients. Elle a pu traiter efficacement 27 000 questionnaires patients. L’IA permet ainsi de dégager des retours qualitatifs en seulement deux heures. Cette tâche était impossible sans IA.
Quel est le rôle de l’École de la transformation hospitalière que votre CHU a créé début 2024 ?
A.-F. : En janvier 2024, nous avons effectivement créé l’École de la transformation hospitalière. Comme l’innovation peut bousculer les organisations, nous avons décidé d’associer nos professionnels pour les former aux changements. Dans notre CHU, personne ne reste au bord du chemin. Car cette école a pour mission de les aider à évoluer avec le changement, de préserver et développer leur employabilité. L’IA est un défi managérial et cette approche en confiance avec les agents dont les compétences seront accompagnées au gré des changements introduits, pour qu’ils y participent effectivement, est très innovante. Nous acceptons d’être singuliers et nous sommes fiers de l’être au sein de MedVallée.
Vous avez débuté votre carrière en 1999 au Centre hospitalier départemental de La Roche‑sur‑Yon. Et vous avez ensuite exercé comme directrice des finances, dans plusieurs établissements : Rochefort, Nantes et Bordeaux, avant d’être promue directrice générale adjointe au CHU de Toulouse de 2017 à 2023. Dans tous les territoires où vous êtes passée, existe-t-il une dynamique similaire à celle de MedVallée ?
A.-F. : Un CHU est toujours fortement lié à son Université et au cœur de l’innovation. Pour autant, je n’ai jamais connu une telle dynamique ailleurs qu’à Montpellier. Avec MedVallée, nous évoluons dans un écosystème augmenté, large et systémique, qui rassemble tout l’écosystème de la Santé Globale, dont les acteurs économiques, les startups... Résultat : nous nous côtoyons au quotidien, nous apprenons à nous connaître, à comprendre les stratégies des uns et des autres et à les développer conjointement au gré de partenariats. MedVallée met l’ensemble de nos expertises complémentaires en réseau, ce qui facilite les collaborations et des réponses collectives à des projets. MedVallée stimule l’écosystème de la Santé Globale, grâce à une fluidité précieuse, atypique et profitable pour tous.
(*) Le CHU de Montpellier traite, chaque jour et en moyenne 371 passages aux urgences, 163 interventions chirurgicales, 565 hospitalisations en ambulatoire, 324 nouvelles hospitalisations à temps complet, 2 400 venues en consultations externes, 2 209 appels au SAMU et 11 naissances.